Pianiste remarquable, Amy Beach (5 septembre 1867 – 27 décembre 1944) fut aussi la première compositrice reconnue aux États-Unis, la première à être jouée par un orchestre symphonique, et au faîte d’une magnifique carrière, couverte de récompenses aux États-Unis, elle fonda et dirigea plusieurs lieux d’éducation essentiels pour les futures générations.
Sa formation est pourtant une histoire d’empêchements successifs et elle ne doit ses accomplissements qu’à sa persévérance et à un talent hors normes.
Selon divers témoignages concordants, à l’âge d’un an, elle connaît déjà une quarantaine de chansons. A 2 ans, lorsque sa mère chante, Amy l’accompagne en improvisant des contrechants. A 3 ans, elle apprend à lire seule et l’été de ses 4 ans, privée du piano familial, elle compose mentalement trois valses qu’elle joue à sa famille en revenant à la maison. Pendant ce temps, la mère de la jeune fille, pourtant musicienne, refuse de lui enseigner le piano pour ne pas ruiner son autorité parentale en répondant à son désir.
A 6 ans, elle démarre finalement son apprentissage et donne ses premiers récitals! Plusieurs agents se proposent de l’engager, sa mère refuse également afin de la protéger.
On conseille à plusieurs reprises aux parents d’Amy beach de l’envoyer étudier dans un conservatoire européen mais ils la confient à des pianistes locaux – Ernst Perabo puis Carl Baermann, ancien élève de Liszt – ce qui obligera la jeune musicienne à se former seule en théorie, harmonie et composition.
Elle débute malgré tout à 16 ans une très belle carrière de pianiste, mais à 18 ans, l’année où sa première composition est éditée, il lui faut épouser Henry Harris Aubrey Beach, chirurgien de 42 ans qui exige qu’elle « vive selon son statut », renonce à l’enseignement qu’elle adore ainsi qu’aux concerts, à l’exception de deux concerts privés caritatifs par an.
Il tolère qu’elle compose, l’encourage même mais lui dénie le droit d’avoir un professeur ou de voyager pour rencontrer des maîtres.
Assoiffée de rencontres et de découvertes musicales, Amy se plonge donc seule dans le répertoire – en particulier celui de Bach – et les traités de composition que ses amis lui ramènent de voyage. Elle se développe, écrit une symphonie jouée par l’orchestre de Boston qui remporte un vif succès public et critique, un concerto, d’innombrables mélodies, pièces pour piano ou ensembles… Le groupe de compositeurs américains formé par Chadwick, Mac Dowell, Foote, Parker et Paine l’invite à les rejoindre.
Son mari décède en 1910, sa mère en 1911. Amy Beach alterne alors longs séjours en Europe et retours aux Etats-Unis, notamment à la colonie MacDowell. Où la nature enivronnante devient sa source d’inspiration. En marge de sa carrière de soliste relancée avec maestria et de la composition, elle mène un travail acharné pour transmettre et aider les jeunes artistes.
Elle n’exprimera plus tard dans ses interviews que reconnaissance pour sa mère – qui l’a protégée en tant qu’enfant prodige – et pour son mari – qui l’a encouragée à se développer comme compositrice. Cela révèle beaucoup de son caractère.
La musique pour piano d’Amy Beach est remarquablement cohérente et ne dégage jamais le moindre manque de personnalité. Plus que l’influence de ses contemporains américains, on y perçoit celle des musiciens européens qu’elle a tant fréquentés au clavier: la virtuosité de Liszt, l' »Humor » de Schumann, l’intériorité de Schubert, la vocalité de Chopin, le tempérament nordique de Grieg et de Sibelius, l’humour grinçant de Prokoviev ou Milhaud… Beach partage une communauté de langage harmonique avec Brahms, Richard Strauss, Mahler et Wolf qu’elle adorait, mais montre parfois un goût pour des irisations tonales évoquant Fauré. Ces échos s’inscrivent cependant dans une écriture singulière et sincère qu’on ne peut confondre avec aucune autre.
«Je ne me peux me souvenir d’un âge ou je ne composais pas»…
La musique fut semble-t-il la première langue d’Amy Beach et cette capacité a émergé avant même qu’elle ait pu accéder réellement au piano. Ceci explique peut-être que le jaillissement musical spontané reste premier dans son acte de composition. On peut imaginer qu’elle a ensuite trouvé sa « voix » non en absorbant les langages qu’elle étudiait, mais en tissant des correspondances, en rêvant par l’écriture les rencontres que la réalité lui interdisait et les dialogues dont elle se languissait.