Rénovation de l’Hôtel le Marois

    Depuis 2011, les campagnes de restauration patrimoniale se sont succédé dans les espaces de réception de France-Amériques, afin de rendre tout son lustre historique à l’Hôtel Le Marois.

  La première a eu lieu en 2011 et s’est préoccupée des peintures qui décorent la sous-face de l’escalier d’honneur. Il s’agissait d’une intervention fondamentale nécessaire aussi bien à la bonne conservation des œuvres qu’à leur mise en valeur esthétique. Elle a été confiée, comme toutes les restaurations suivantes, à l’atelier de Madeleine Hanaire. L’ensemble des toiles, de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe, ont été probablement ajoutées à la décoration de l’hôtel peu après sa construction. Elles sont d’origine inconnue et forment un tout assez hétéroclite par leurs sujets comme par leur style : on compte trois anges de facture similaire, deux figures mythologiques de femmes endormies du même atelier, et un triton assez inattendu. L’analyse a montré qu’elles avaient toutes été marouflées à la céruse, parfois avec des semences, parfois agrandies avec un ajout de toile.

p1-Renovation-4
p1-Renovation-5

  Comme lors des chantiers ultérieurs, les restaurateurs ont noté que les toiles étaient en mauvais état : encrassement, déchirures, fissures, soulèvement de la couche picturale, cloques de marouflage repeint dont la couleur a viré, vernis très jauni, voire opacifié, taches de rouille dues à l’oxydation des semences et, enfin, lacunes… 

Après la réparation des soulèvements, le décrassage et l’allégement du vernis, la suppression de repeints a permis des découvertes : certains couvraient des transformations iconographiques (une couronne de feuilles de vigne dans la chevelure, une outre de vin masquée appartenaient peut-être à une scène de bacchanale trop osée) ou de pudeur (un voile ajouté sur la poitrine et la jambe d’une belle endormie). Apposés après marouflage, ces repeints nous disent-ils quelque chose de la pruderie des propriétaires des lieux ?

  En 2015, ce fut le tour du salon Washington, pour son plafond et ses dessus-de-porte. Le plafond figurait quatre chérubins tenant des guirlandes de fleurs sur un fond de ciel. Des couples d’angelots symbolisant les arts occupent quatre médaillons au centre de chacun des côtés.

Des soulèvements consécutifs aux variations thermiques et hygrométriques étaient apparus, des lacunes laissaient visible la texture de la toile et, surtout, la pollution et l’usage du tabac avaient rendu les peintures ternes et grises. Outre les actions similaires à celles déjà citées dans le cas du chantier précédent, on a stabilisé le support du plafond. De nombreuses fissures, dues à des mouvements structurels ou à des infiltrations, le sillonnent. Quatre des portes d’accès au grand salon Washington sont surmontées de toiles représentant des allégories féminines, remployées et recadrées pour s’adapter à leur nouveau contexte. Sur l’une d’entre elles encore, un repeint de pudeur avait masqué le sein d’une jeune femme enturbannée. Il a été retiré.

Le plafond du salon Washington et ses chérubins portant une guirlande de fleurs
Les photographies de l’un des médaillons des angelots symbolisant les arts, avant puis après restauration, mettent en évidence l’importance du travail accompli
Capture d’écran 2025-01-16 à 12.41.54

    À l’été 2018, deux interventions importantes ont aussi eu lieu. La première, toujours sous la direction de Madeleine Hanaire, entourée d’une équipe de quinze personnes, a porté sur la restauration des peintures du salon Montcalm, du plafond et des voussures de l’escalier. La toile marouflée du plafond du salon, d’origine et de main inconnues, montre Jason endormi dans les bras de Médée, tous deux emportés sur un char tiré par des dragons crachant du feu. Trop petite pour le caisson octogonal de la voûte, elle avait été agrandie et une couture demeure, qui assemble les deux lés. D’importantes fissures la traversent, consécutives à un dégât des eaux qui a gorgé d’eau le plafond. L’état de conservation, très mauvais, et les nombreux soulèvements de matière ont nécessité un travail particulièrement délicat et soutenu.

    Dans l’escalier, la scène du plafond, Les Amours de Psyché, figurée avec des ailes de papillon et défendue par Junon devant un Zeus courroucé, avait également été rapportée et complétée de toiles de formats divers, nécessitant des repeints pour masquer ou intégrer ces ajouts. Ces retouches, censées assurer la continuité avec la scène centrale, étaient aujourd’hui chromatiquement désaccordées, elles ont été supprimées autant qu’on le pouvait. La corniche moulurée en staff a été également nettoyée, consolidée et redorée.

Les quatre peintures des voussures, attribuées à Carpioni, ont également été nettoyées et leurs lacunes réintégrées de façon illusionniste.

 

   Voussures de l’escalier

    La seconde intervention de 2018 a porté sur un étonnant escalier de l’Hôtel Le Marois, qui n’est pas immédiatement visible aux visiteurs puisqu’il mène au salon Franklin en sous-sol. En forme de « L », son garde-corps est formé de vingt et un balustres galbés en faïence émaillée verte, encadrés d’une main courante et d’une lisse basse, toutes deux décorées de carreaux en faïence blanche et verte à décor géométrique. Le vert profond des colonnes pour partie torsadées, joint au blanc très frais et brillant, appelle irrésistiblement l’image d’une villa de bord de mer ou d’une ville d’eau. L’escalier a-t-il été conçu lorsque les membres de France-Amérique pensaient encore pouvoir installer une piscine dans leur sous-sol, à la fin des années 1920? Date-t-il plutôt du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, quand de nouveaux matériaux ont rem- placé le bois devenu cher ou le fer forgé en pénurie? Nulle date, nulle signa- ture et, jusqu’à présent, nulle archive ne peuvent le confirmer. Une expertise pense pouvoir attribuer sa réalisation, vers 1948, à l’atelier des Quatre-Potiers, fondé en 1936 par la famille Favre, et plus précisément à l’une de leurs filles, Gisèle, devenue l’épouse de Pierre Pinsard, également céramiste.

p4 détail escalier 1

Quoi qu’il en soit, l’escalier dont les marches sont en pierre avait souffert au fil des années : encrassement des joints, traces de rouille sous la main courante, nombreuses fissures, éclats de la faïence verte ou blanche, voire carreaux brisés… Sa restauration complète a été confiée à Cécile de Chillaz, de l’atelier Chillaz-Fargetton-Minot, les traces de rouille ont été éliminées, les éclats et fissures comblés, les lacunes reconstituées. L’escalier a ainsi retrouvé l’aspect qu’avaient connu ses commanditaires.